Une bonne pratique au regard du devoir de vigilance

Dès lors qu’il prête son concours à la réalisation d’une transaction, l’avocat a les mêmes obligations de vigilance et de déclaration de soupçon, qu’il prenne ou non en charge les mouvements de fonds liés à sa réalisation.

L’avocat qui s’abstient de prendre en charge les flux financiers accessoires aux opérations auxquelles il concourt ne réduit pas son risque d’instrumentalisation à des fins de blanchiment.

Au contraire, en s’assurant personnellement de ces flux financiers, l’avocat vérifie leur réalité et leur concordance avec l’opération juridique à laquelle il participe. Cette bonne pratique répond à son devoir de vigilance.

Un dispositif CARPA intégré au Code monétaire et financier, mettant en œuvre les recommandations du GAFI

La CARPA est assujettie aux obligations de vigilance et de déclaration définies par le Code monétaire et financier en matière de LBC-FT et de sanctions financières ciblées.

La CARPA met en œuvre ses contrôles selon la méthode d’approche par les risques préconisée par le GAFI.

Dans l’hypothèse où la CARPA effectue une déclaration de soupçon, elle doit à l’instar des avocats  l’adresser uniquement au Bâtonnier de l’Ordre, qui  la transmettra à Tracfin après en avoir vérifié la légalité et non l’opportunité (cf. CEDH, 5ème section, Michaud c/France, 6 décembre 2012).

La traçabilité bancaire de toutes les opérations passant par la CARPA est garantie par l’existence d’un droit de communication spécifique de TRACFIN auprès de la CARPA (article L.561-25-1 du Code monétaire et financier). Dans ses rapports annuels d’activité, TRACFIN a salué, à plusieurs reprises, l’efficience de ce droit de communication.

Un superviseur supervisé

Si dans le cadre de ses contrôles la CARPA identifie une opération frauduleuse impliquant un avocat, elle saisit l’autorité ordinale  qui prend le relai sur le plan déontologique et disciplinaire. Cela participe de l’autorégulation de la profession.

La CARPA constitue ainsi pour le conseil de l’Ordre sous la responsabilité duquel elle est placée, un organe essentiel dédié au contrôle et à la régulation des maniements de fonds accomplis par les avocats. C’est un élément clé du dispositif de lutte contre le blanchiment de la profession d’avocat et de l’autorégulation assurée par les Ordres.

De surcroît, la CARPA est elle-même doublement supervisée dans le cadre de la mise en œuvre effective de ses obligations :

  • Périodiquement par une Commission de contrôle des CARPA qui établit annuellement un rapport d’activité adressé au garde des sceaux, ministre de la Justice ;  cette commission constitue l’autorité de contrôle des CARPA en ce qui concerne leurs obligations en matière de LBC-FT (article L.561-36 du Code monétaire et financier).

 

  • Annuellement, par un commissaire aux comptes chargé d’une mission spécifique en la matière, dont le rapport annuel est transmis :
    - au Procureur Général près la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle est établi le siège de la CARPA
    - à la Commission de contrôle des CARPA.


Les contrôles de la Commission de contrôle des CARPA peuvent être aussi diligentés à la demande du Procureur Général.

La commission de contrôle des CARPA a le pouvoir de contraindre les CARPA à prendre toute mesure nécessaire pour se conformer à leurs obligations.

Une réduction significative du risque

Le maniement, par les professionnels du droit, des fonds appartenant à leurs clients est  considéré par les «guidance for a risk-based approach» du GAFI  comme porteur de risques accrus.

Ces lignes directrices identifient la double difficulté suivante : 

  • D’une part le risque pour un avocat d’être instrumentalisé en étant sollicité pour une opération juridique apparemment régulière, servant en réalité de support à un flux financier frauduleux ;
  • D’autre part, un déficit de partage d’informations entre les avocats et les banques auprès desquelles ils  déposent les fonds de leurs clients dans la plupart des Etats et ce en raison du secret professionnel que  les avocats sont tenus d’opposer aux banques.

Dès lors qu’un avocat reçoit des fonds pour le compte de ses clients, l’intervention obligatoire de la CARPA permet précisément de prévenir et de réduire ce risque.

La CARPA réalise ses contrôles suivant la méthode de l’approche par les risques et avec ses moyens d’analyse des opérations. En dialoguant avec l’avocat, elle analyse  le flux financier accessoire à l’opération juridique à laquelle celui-ci participe et vérifie sa conformité.

Si le secret professionnel auquel l’avocat est strictement tenu lui interdit de fournir à une banque les éléments contenus dans son dossier, il ne peut en revanche opposer ce secret à la CARPA qui effectue ses contrôles sous l’autorité du Bâtonnier. C’est ce qui assure l’efficacité du dispositif tout en garantissant le respect du secret professionnel dû par les avocats à leurs clients.

Si la CARPA identifie un risque, elle déclenche les alertes nécessaires et incite l’avocat à réagir lui-même en application de ses obligations en matière de lutte anti-blanchiment.

De son côté, si les conditions en sont réunies, la CARPA effectue la déclaration de soupçon dont la responsabilité lui incombe en sa qualité d’assujettie (voir supra).

L’intensité du risque attaché au maniement de fonds effectué par l’avocat pour le compte de ses clients est ainsi très fortement réduite car la CARPA intervient précisément pour maîtriser ce risque. Ses contrôles et les  moyens qu’elle met en œuvre pour les réaliser sécurisent les maniements de fonds.

À cet égard le rapport d’évaluation du GAFI concernant la France (mai 2022) relève que « l’assujettissement des CARPA aux obligations LBC-FT depuis 2020 a permis de renforcer les mesures d’identification et d’atténuer les risques les plus importants pour la profession » (par.138 p.54).